lundi 8 octobre 2007

Histoire de la Hongrie - Eveil national et romantisme : la révolution de 1848 - démocratie et nationalisme

Istvàn Széchényi et Lajos Kossuth
En Hongrie, les prémisses du conflit entre libéraux et démocrates peuvent être illustrés par deux hommes qui ont profondément marquée l’histoire hongroise du siècle précédent : Istvàn Széchényi et Lajos Kossuth.
Le premier appartient au mécénat aristocratique : il est fondateur du Musée national et de la Bibliothèque nationale. Il défend la suppression du droit successoral et du servage seigneurial, mais il s’inscrit dans le courant libéral en affirmant que le progrès économique engendrera de lui-même le progrès social.
« Dans l’esprit de Széchenyi, réformateur « à l’anglaise », le progrès passe par là [projets de construction grandioses] ainsi que par l’égalité des devoirs civiques, le paiement des impôts par la noblesse et non par subversion sociale, non plus que par la démagogie nationaliste. »[1]

Le second est dénommé par Széchényi « le démon », « le fou dangereux ». Lajos Kossuth ne pense pas que le développement industriel et l’enrichissement conduise à la liberté nationale. Pour Kossuth, liberté nationale et liberté des masses sont inséparables. C’est ce qui lui assurera le soutien populaire en 1848. Kossuth est issu d’un milieu amené à jouer un rôle historique : celui d’une petite noblesse en remplacement d’une bourgeoisie encore en gestation.
«Ce qui, par ses qualités, par son milieu et par les circonstances, incombe à Kossuth n’est ainsi ni plus ni moins que de souder, en une nation adaptée à la modernité européenne, une société retardée dans son développement par ses malheurs extérieurs. Il faut mener simultanément le combat pour le progrès et pour la liberté nationale.»[2]

Par ailleurs, Kossuth a compris le pouvoir grandissant de la presse et il sait l’utiliser. Il sait fédérer ceux qui joueront un rôle primordial dans la Hongrie de la seconde moitié du XIXe siècle : la noblesse ordinaire, l’intelligentsia et la bourgeoisie, c’est-à-dire les classes moyennes en formation, sur lesquelles s’appuie également le courant démocratique français, mais si les deux classes sont différentes dans leur constitution sociale intrinsèque.
« (…) force politique et économique considérable. Cette force fonctionne, pourrait-on dire, comme le tiers état, mais à cette différence près que la couche hétéroclite des citadins qui ne sont ni nobles ni bourgeois (dont 240 000 artisans et 25 000 ouvriers et leurs familles) et l’immense paysannerie attendent en spectateurs l’aboutissement des réformes, l’abolition du servage et l’avènement de la démocratie. » [3]

La révolution de 1848
L’impulsion est donnée par la révolution française de février 1848.
Suite à la proclamation de la IIe République, Kossuth rédige avec son Cercle d’opposition les « douze points » contenant les revendications hongroises : liberté de la presse, suppression de la censure, création d’un ministère responsable et d’une Assemblée nationale à Budapest, égalité de droits civiques et religieux, contribution égale de tous aux charges publiques, suppression des redevances seigneuriales, création d’une Banque nationale, mise en place de forces armées nationales, libération des prisonniers politiques, introduction de réformes judiciaires et proclamation de l’union avec la Transylvanie.
Le lendemain de la révolution viennoise du 13 mars 1848, les jeunes intellectuels réunis au café Pilvax de Pest se révoltent. C’est ensuite que la foule rejoint les meetings. La Diète de Pozsony cède rapidement tout comme le pouvoir impérial aux revendications et « douze points » sont entérinés. Suite à la dissolution de la Diète, la Hongrie devient une monarchie constitutionnelle parlementaire, la première Assemblée étant élue au suffrage direct par les nobles, les bourgeois et les paysans aisés, la seconde au suffrage universel.

Le 28 juillet 1849, une loi d’émancipation « des habitants de religion mosaïque » est votée, validant notamment les mariages mixtes entre juifs et chrétiens. Par ailleurs, après de nombreuses réticences et dans le but de rallier les minorités à la cause hongroise, une loi sur les nationalités vote le droit d’utiliser sa langue dans l’administration locale, les tribunaux, l’école primaire, la vie communautaire et la garde nationale. Pour l’époque, le vote d’une telle loi est particulièrement novateur.

Ainsi, la Hongrie s’engage subitement dans une voie radicalement nouvelle, sur des bases à la fois libérales et démocratiques : le maintien de la monarchie malgré la volonté de certains radicaux de proclamer la République, le vote d’une constitution et la formation d’une Assemblée acquise à la noblesse provinciale ancrent les institutions politiques dans le libéralisme sur un modèle anglo-saxon ; cependant, l’égalité de l’impôt pour tous, l’abolition du servage et l’éphémère volonté d’introduire le suffrage universel poussent la révolution vers une radicalisation démocratique. Enfin, la loi précitée mais aussi les créations d’une armée et d’une monnaie nationales lui donnent une dimension résolument nationaliste.

C’est l’engagement dans cette troisième voie qui va conduire à son échec. C’est en effet la guerre de libération nationale conduisant à la proclamation de l’indépendance de la Hongrie qui va conduire une alliance entre les Habsbourg et les Russes. Cette trahison laissera des traces indélébiles dans la mémoire hongroise et c’est en vain que le pouvoir soviétique tentera plus tard de minimiser cette intervention : le voisin russe devient alors un ennemi pour la Hongrie. Et malgré les vaines protestations du tzar, la répression autrichienne sera impitoyable. Les Hongrois reprennent alors leur stratégie de résistance passive :
« La résistance passive est comme un mode de vie et un code éthique. (…) témoignage d’un comportement social et d’une certaine mentalité collective. »[4]

Cependant, malgré sa défaite, la révolution libérale et démocratique a laissé des traces durables : la Diète est définitivement supprimée et le servage aboli.
La défaite de la révolution démocratique consacre le modèle libéral : il faudra attendre 1918 pour que le suffrage universel soit instauré en Hongrie.

[1] Miklos Molnàr, Histoire de la Hongrie, op.cit. Page 234.
[2] Miklos Molnàr, Histoire de la Hongrie, op.cit. Page 236.
[3] Miklos Molnàr, Histoire de la Hongrie, op. cit. Page 238.
[4] Miklos Molnàr, Histoire de la Hongrie, op. cit. Page 270.

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