lundi 8 octobre 2007

Histoire de la Hongrie - Lumières et despotisme : la société hongroise reste dans l'obscurité

Une minorité éclairée
Ainsi, malgré de nombreuses réformes, la pesanteur de la structure archaïque persiste : suivant les chiffres de Miklos Molnàr, la population compte 80% de paysans, 5% de noblesse et une très faible bourgeoisie. Les plaintes des paysans asservis au second servage arrivent jusqu’à Marie-Thérèse, mais celle-ci reste dépendante des nobles pour asseoir son pouvoir.
Si l’influence baroque se fait sentir dans l’architecture des villes la construction de palais tels que celui d’Eszterhàzy, la domination des magnats et des prélats est totale : 200 familles les plus riches règnent sur 400 000 pauvres.
Cette minorité conduit, certes, selon l’expression de Norbert Elias, un « processus de civilisation », développant un mode de vie brillant, européen, entourée de savants et d’artistes venus de l’Europe entière, mais le courant des Lumières ne sert qu’une minorité. La noblesse reste l’incarnation de la nation, ce qui fait dire à un député de la Diète que la nation appartient « au peuple privilégié ».
« (…) le philosophe, à la façon des libertins du XVIIe siècle, ne cesse de se défier des appétits brutaux de la populace. Mais il place aussi son espoir dans l’éducation puisqu’il croit que ce peuple mystifié, fanatique et violent, abruti par son aliénation et sa misère peut être élevé peu à peu jusqu’aux lumières de la raison. »[1]

Faible urbanisation et absence de classe urbaine
De fait, si la population des villes grandit, le territoire hongrois comptant à la fin du XVIIIe siècle plus de soixante villes libres royales dont une vingtaine comptabilisent plus de 10 000 habitants, il n’y a que 7% d’urbanisation contre 12 en France. La ville abrite les roturiers libres et les diplômés Cependant, la bourgeoisie émancipée ne représente que 1,5 à 2% de la population totale. Il n’y a pas de véritable classe urbaine libre comptant en son sein des bourgeois, des travailleurs et des intellectuels.

Ainsi, si le despotisme éclairé a permis d’introduire de nombreuses réformes, la modernisation de la société hongroise reste toute relative. Absence de bourgeoisie, pouvoir d’une minorité privilégiée sur une population pauvre et asservie et lutte autoritaire de l’Etat sont des caractéristiques prégnantes de la société hongroise.
« Le despotisme éclairé se caractérise donc par des pratiques interventionnistes qui fondent, quand elle n’existait pas déjà, une tradition autoritaire qui se perpétuera jusqu’au XXe siècle. (…) Toutes les fois que nous sommes en présence d’un réformisme par le haut, nous avons vraisemblablement affaire à la postérité du despotisme éclairé. (…) on peut se demander si le gouvernement de Staline, qui représente une des formes de pouvoir les plus concentrées, les plus autoritaires que le monde aient connues, mais au service d’un programme de réforme, n’était pas le dernier avatar de cette tradition russe du despotisme éclairé. »[2]

La noblesse a peur de la révolution et défend ses privilèges en se soumettant à l’absolutisme habsbourgeois. Cette position rétrograde révolte les éléments les plus radicaux : les jacobins hongrois comme Ignàc Martinovics (1755- 1795). Arrêtés, condamnés à mort et 7 exécutés.
La noblesse hongroise ne répond pas à l’appel de Napoléon.

[1] Jean-Marie Goulemot, chapitre 1.2.1. « Despotisme éclairé ? » in Nouvelle histoire des idées politiques, op. cit. Page 85.
[2] René Rémond, op. cit. Page 101.

Aucun commentaire: