jeudi 4 octobre 2007

Association et société en France et en Hongrie : prémisses

Les prémisses de l’association montrent un développement similaire en France et en Hongrie. Initialement, les associations se développent dans le giron de l’Eglise.
Progressivement, l’affirmation des villes et l’essor de la bourgeoisie d’une part, le renforcement du pouvoir royal d’autre part, concourent tous deux au développement d’initiatives à but social ou professionnel.
“(…) the early development of the Hungarian economy society, and consequently of the voluntary sector in Hungary was not significantly different from the development in other European countries up to the end of the fifteenth century. The central secular authority often came into conflict with the Church on the one hand and the feudal barons on the other. Simultaneously, the bourgeoisie of the cities were establishing their own status, developing their own administrative sphere and methods and selling their support to the king in return for charters of liberties.”[1]

Au Moyen Age, les associations en France évoluent au sein de la sphère religieuse, du fait d’un système féodal ne laissant pas de place à la construction d’un Etat. C’est au sein de la paroisse que se réunissent les familles et les groupes, et que les indigents et les malades sont soignés ; c’est également l’Eglise qui contrôle les confréries, particulièrement actives dans les villes après le déclin du monachisme, au sein desquelles s’organisent les entraides et les premières associations professionnelles : les unions d’ouvriers (jurandes) garderont cette marque via le serment religieux, la protection des saints patrons, leurs statuts étant approuvés par l’autorité royale. Les regroupements de maîtres et élèves, l’université et les collèges sont également sous la protection de l’Eglise. En revanche, l’argent est condamné par les autorités religieuses : c’est donc en marge de celle-ci que se développent les sociétés d’assurances, le commerce, les banques.
En Hongrie, le pouvoir de l’Eglise remonte à la christianisation du peuple et à la mise en place d’un système féodal par le Prince Géza (970-997) et le roi Etienne (997-1038) : les congrégations religieuses invitées sur le territoire pour convertir reçoivent alors les richesses prises aux païens. L’Eglise assure, ainsi, non seulement le prosélytisme mais aussi la protection des pauvres, des veuves et des orphelins, d’après une prérogative fixée par le Code de Loi du roi Etienne.

Deuxièmement, on constate dans les deux pays un développement des villes et l’affirmation de la bourgeoisie. En effet, au fur et à mesure, le pouvoir royal et les laïcs prennent une part grandissante dans le règlement des problèmes sociaux. Alors que les nobles se réunissent au sein des ordres de chevalerie, le peuple se regroupe en associations, à une époque marquée – comme partout en Europe – par le développement du commerce et des villes, même si le développement de ces dernières est moins important en Hongrie qu’en Europe occidentale.
« La ville médiévale hongroise sert plus à la sécurité militaire et à la politique de peuplement qu’au développement de véritables centres artisanaux et commerciaux, à l’exception du futur Budapest qui englobe Buda, Pest et Òbuda ».[2]

On y trouve cependant les mêmes associations d’entraide et d’aide sociale, religieuses ou encore de divertissement que dans les villes occidentales.
Comme en France, les premières associations professionnelles sont fortement marquées par la dimension religieuse, dont elles garderont une certaine tradition, mais elles laissent cependant présager l’indépendance des corporations, qui assurent un monopole grandissant. C’est pourquoi se développent, en marge de celles-ci, les unions d’ouvriers, moins « élitistes ».
En France, les habitants des villes s’unissent par serment dans une association visant à instaurer la paix et une certaine autonomie par rapport au pouvoir féodal, donnant ainsi naissance à la « commune ». La commune devient ensuite une communauté de droit public qui détient l’autorité dans une ville, élit ses représentants, organise la justice et la défense, notamment des droits civiques. Du fait du développement démographique et économique, les bourgeois prennent une part grandissante dans le secours des pauvres, concurrençant dans ce domaine la générosité royale et aristocratique. Le secours mutuel au sein des corporations se renforce. Parallèlement, l’Eglise ne parvient plus à assurer seule les services d’aide sociale, notamment après la guerre de Cent Ans et la Peste Noire (1348), qui ont engendré une explosion du nombre de pauvres et de malades. Progressivement, le contrôle étatique est assuré dans tous les domaines, les populations marginales étant enfermées dans des lieux spécifiques, tels que les maisons de correction.
De même en Hongrie, les villes s’investissent de plus en plus dans la gestion des services sociaux : les premières écoles à Buda sont certes supervisées par l’Eglise, mais la municipalité en est le mécène. Si la religion marque profondément la vie privée des Hongrois du Moyen Age, ils préfèrent cependant exercer un contrôle sur les fonds publics et les dons laïcs par l’intermédiaire de l’autorité municipale. Les institutions ainsi crées sont à mi-chemin entre organisme public et structure privée à but non lucratif. Elles bénéficient de donations, de dons privés, et du soutien de fondations et de legs, mais elles sont également soutenues par la municipalité, que ce soit financièrement ou par l’intermédiaire de privilèges. Les dirigeants de ces institutions sont nommés par la municipalité, qui en rémunère également les employés. Par ailleurs, ces structures bénéficient du soutien de nombreux bénévoles.


Initialement sous l’égide de l’Eglise, puis grâce à la protection royale et à l’essor économique, les villes auraient probablement pu devenir des fourmilières associatives aussi dynamiques en Hongrie qu’en Europe occidentale. Cependant, l’invasion ottomane et l’ancrage du système féodal figèrent durablement le retard hongrois.
[1] Eva Kuti, The nonprofit sector in Hungary, “John Hopkins Nonprofit Sector series”, Manchester University Press, Great Britain, 1996. Page 17. Traduction française : « Les premiers stades du développement économique et social hongrois, et par conséquent du secteur volontaire en Hongrie n’était pas significativement différent du développement observé dans les autres pays européens jusqu’à la fin du XVe siècle. L’autorité centrale laïque entrait souvent en conflit avec l’Eglise d’une part, les barons féodaux d’autre part. Simultanément, la bourgeoisie des villes était en train d’établir son propre statut et de développer sa propre sphère administrative et méthodes, en vendant son appui au roi en échange de chartes de libertés. »

[2] Miklos Molnar, Histoire de la Hongrie, coll. « Nations d’Europe », Hatier, Paris, 1996. Page 69.

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